Migrations - Frontières MNA

Lettre ouverte de la permanence des avocat.e.s des MNA

Monsieur le Président du Conseil d’État,
Madame la Conseillère d’État en charge de l’instruction publique,
Madame et Messieurs les Conseillers d’État,

Genève |

Vous savez notre permanence juridique intervenir dans l’intérêt et à la défense des droits des personnes mineures non accompagnées (MNA).

La présente lettre ouverte fait suite à notre dernière rencontre avec votre délégation aux migrations, le 24 février 2020, et a pour objet de vous faire part de la situation dans laquelle se trouvent actuellement les MNA et de nos inquiétudes pour l’avenir, ainsi que de vous exposer nos requêtes pour qu’ils et elles puissent mener une vie digne.

Dans le contexte du coronavirus, notre permanence a été maintenue moyennant la mise en place d’un protocole sanitaire et les demandes nombreuses ont montré qu’en temps de crise, sa pérennité est plus que jamais essentielle. Sans surprise, la précarité des MNA a augmenté et il est urgent que le Conseil d’État assume les responsabilités qui lui incombent.

Contrôles et arrestations par la police

Le 24 février 2020, nous avions en particulier requis (i) qu’une carte de légitimation indiquant le statut de MNA soit établie et (ii) que cessent les arrestations systématiques, que la tenue hebdomadaire de nos permanences et la constitution subséquente à la défense des intérêts des MNA nous forcent à constater. Aucune suite concrète n’a été donnée à nos requêtes.

Si la situation actuelle tend à faire diminuer les condamnations pour infractions à la LEI, les contrôles d’identité continuent d’intervenir systématiquement, et des arrestations s’ensuivent fréquemment.

Au vu de ce constat, la permanence demande que le Conseil d’État s’adresse à la police afin de rappeler à ses agent-e-s que les MNA sont des mineur-e-s en situation précaire et vulnérables, et qu’ils et elles doivent être traité-e-s en conséquence.

Nous demandons ainsi que le Conseil d’État enjoigne les agent-e-s de police :

(i)
à adopter un comportement et un langage adéquats en tenant compte de la minorité des MNA auxquel-lles ils-elles s’adressent ;
(ii) de cesser de procéder à la saisie des sommes d’argent détenues par les MNA, souvent seul moyen de subsistance dont ils et elles disposent ;
(iii) de cesser de procéder à la saisie des téléphones portables détenus par les MNA, unique moyen de contact avec le SPMi, les intervenant-e-s sociaux et les avocat-e-s vu l’absence de domicile fixe.

Par ailleurs, il est essentiel de parvenir au plus vite à l’établissement d’une carte d’identité cantonale indiquant le statut de MNA, et d’en informer la police, de manière à ce que les contrôles d’identité abusifs puissent cesser.

Logement

Nous relevons que le SPMi fait des démarches pour loger les MNA. Une inscription préalable auprès de la permanence du service est toutefois exigée, alors que la fréquence de sa tenue est malheureusement passée de quotidienne à hebdomadaire, avec pour effet d’abandonner à leur sort et à la rue les MNA parfois pendant plusieurs jours. Les logements demeurent en outre précaires et nombre d’entre eux limitent l’accueil à la nuit, laissant les MNA à la rue durant la journée.

Nous demandons que le SPMi garantisse les éléments suivants :

(i) que tou-te-s les MNA aient un logement ;
(ii) qu’aucun-e MNA ne soit expulsé-e des foyers ou des hôtels, cela même si l’âge de la majorité est atteint dans l’intervalle, à tout le moins jusqu’à la fin de la crise sanitaire et la réouverture des frontières ;
(iii) que les hôtels et tout autre lieu d’hébergement établissent des attestations en faveur des MNA, mentionnant leurs nom, dates de naissance et lieux d’hébergement, comme le font déjà les foyers ;
(iv) que les hôtels et les lieux d’hébergement proposent un accueil durant toute la journée.

Les autorités sanitaires ont clairement rappelé que les jeunes ne sont pas à l’abri du coronavirus, peuvent non seulement en être le vecteur, mais également tomber gravement malades. C’est d’autant plus vrai en présence de personnes socialement précaires, qui cumulent régulièrement les facteurs de risque. La situation actuelle impose au Conseil d’État d’intervenir en faveur de tous et de toutes, y compris des MNA, afin de préserver leur santé et de ne pas les abandonner aux risques de la rue et de la maladie.

Un assouplissement des mesures de lutte contre le coronavirus devra s’accompagner d’une prise en charge d’autant plus grande des MNA, et des ressources devront être consacrées à l’élaboration d’une solution pérenne pour les loger.

Biens de première nécessité, nourriture et prise en charge médicale

Notre permanence nous a permis de constater que la nourriture distribuée par le SPMi est insuffisante et de maigre qualité, que de nombreux lieux offrant des repas ont fermé et que les MNA manquent de moyens et sont contraints de vivre dans des conditions d’hygiène qui ne leur permettent pas de se protéger et de protéger la société face à la pandémie.

Nous demandons que le SPMi s’assure que les éléments suivants soient garantis :

(i) que les MNA aient accès aux soins médicaux, y compris psychiques ;
(ii) que de la nourriture de qualité adéquate et variée en suffisance soit fournie tous les jours de la semaine et durant le week-end, et qu’elle soit compatible avec les pratiques religieuses
respectives ;
(iii) que des biens de première nécessité soient fournis en suffisance.

En ratifiant la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE), la Suisse s’est engagée à assurer à tous les enfants présents sur son territoire, sans discrimination aucune, la protection et les soins nécessaires à leur bien-être (art. 3 CDE). Durant les temps difficiles que vit actuellement notre canton, et alors que des mesures sont prises pour lutter contre la pandémie et préserver la population de la maladie, le Conseil d’État ne doit pas oublier que des enfants sont livrés à eux-mêmes sur son territoire, et qu’il est de son devoir de les prendre en charge selon les termes auxquels il est engagé.

En vous souhaitant bonne réception de la présente et en espérant que vous lui donnerez au plus vite la suite qu’ elle comporte, nous vous prions de croire, Monsieur le Président du Conseil d’État, Madame la Conseillère d’État en charge de l’instruction publique, Madame, Messieurs les Conseillers d’État, l’expression de notre respectueuse considération.

Avocat-e-s et juristes de la permanence juridique pour les MNA
Mouba ALGELLY, Bénédicte AMSELLEM-OSSIPOW, Laila BATOU, Dominique BAVAREL, Pierre BAYENET, Melissa BERTHOLDS, Sophie BOBILLIER. Pierre-Yves BOSSHARD, Clara BUCHS, Fabio BURGENER. Tiffany COLLARD, Chiara DEL GAUDIO, Meriem EL MAY, Vista ESKANDARI, Tatiana FARINHA DO SUL, Lucie GAGGERO, Orianna HALDIMANN, Rayan HOUDROUGE, Julie LAURENT, Emma LIDEN, Camille LOPRENO, Milena MADER, Camille MAULINL, Léonie MULLER, Naïma MUSSE, Livio NATALE, Duy-Lam NGUYEN, Cansu OKCU, Silvia PALOMBA, Milena PEEVA, Aurore PEIROLO, Marina POPADIC, Katia ROELANDT, Raphaël ROUX, Clara SCHNEUWLY, Anna SERGUEEVA, Roxane SHEYBANI, Sarah SHOUKRY, Céline SQUARATTI, Barbara STEINER, Florian THIEBAUT, Fanny TOUTOU-MPONDO, Sofia VEGAS, Margot VOISIN, Nesa ZIMMERMANN.

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