Nous étions sur place, entre 19h00 et 22h30, et ce qui n’apparaît nulle part dans la presse c’est que malgré le fait que nous étions tenu.e.s à grande distance par les barrages de police, les cris, les voix et les revendications des personnes détenues nous parvenaient parfaitement. Comment cela peut-il être passé sous silence par l’ensemble de la presse genevoise ?
Durant des heures et des heures des détenus ont protesté et crié leurs revendications. Croyez-nous, ce n’était pas les seules voix de 40 personnes qui retentissaient mais également celles des autres, probablement depuis leur cellule. Par ailleurs il n’y a rien d’étonnant à ce que le soutien à ceux dans la cour de promenade se soit fait depuis les cellules, au contraire... Ce qui est surprenant c’est que l’OCD, suivi largement par les médias, affirme que cet incident n’a concerné qu’une quarantaine de personnes.
Leurs voix étaient puissantes. Ces voix isolées, ces voix enfermées, ces voix auxquelles on essaie d’enlever toute humanité, retentissaient dans toute la campagne environnante. Et rien de plus fort et percutant que d’entendre autant de personnes crier en même temps, autant de personnes demander la "liberté", et ce, dans le contexte de crise sanitaire que nous vivons.
Le porte-parole de l’OCD se vante également que les visites n’aient pas été annulées. Ne pas annuler les parloirs relève simplement de la logique. Humanité ou peur des rébellions ? Seules les autorités pénales le savent, nous, avec ce que l’on sait des politiques pénales à Genève, on a nos doutes. Mais qu’importe, les visites sont un élément essentiel à la dignité et la vie d’un.e détenu.e (et de ses proches par ailleurs). Elles ont été maintenues tout en respectant les conditions sanitaires nécessaires, et pour cela nous n’avons rien à redire. Néanmoins, les personnes détenues se voient restreintes dans d’autres droits au nom de ce covid-19, et rien n’est mis en place pour permettre de simplifier les contacts avec l’extérieur en ces temps où l’on s’inquiète pour ses proches. L’OCD dans son communiqué continue de minimiser les revendications des détenus en prétendant que la principale portait sur l’interdiction de jouer au foot. Mais nous, celle que nous avons entendue majoritairement était bien plus vitale...
La liberté !
Celle qu’iels ont criée et revendiquée durant des heures, hier. Celle qui semble être la mesure la plus logique et efficace pour éviter une catastrophe sanitaire. Celle qui leur est catégoriquement refusée. Celle que continuent d’exiger de nombreuses associations, des juristes et avocat.e.s, des partis politiques, etc.
Aux infos on apprend quotidiennement que de nombreux gouvernements comme celui de l’Iran, de la France, du Soudan, de l’Indonésie, de l’Arabie-Saoudite, entre autres, libèrent leurs prisonnier.e.s. Pendant ce temps, à Genève, où se trouve l’une des prisons les plus surpeuplées d’Europe (!), une des prisons où la majorité des personnes y sont pour des questions de papiers ou de petits délits, de peines préventives, une prison où certain.e.s ont déjà accompli la moitié de leur peine, la politique pénale reste en ce sens inébranlable. Quoi qu’il en soit, et qu’importe la violence de cette crise sanitaire, selon Olivier Jornot (procureur général) « personne ne sort qui ne devrait pas sortir » !
Pourtant, les revendications de toute part - des organisations contre la torture, pour les droits humains, d’Amnesty international, de l’observatoire international des prisons et des avocat.e.s - exigent l’application la plus indulgente de la loi, et l’application de la prison ferme en dernier recours, suivant le principe de proportionnalité, soit ultima ratio, un des principes fondateurs du droit pénal...
Un autre élément complètement tu par le communiqué de l’OCD et donc par la presse est celui du résultat des négociations entretenues entre les détenu.e.s et les autorités de la prison. Comment les personnes sont-elles finalement retournées dans leur cellule ? Ont-elles été d’accord de les réintégrer ou ont-elles été forcées à le faire ? Ont-elles obtenu quelque chose ? Ou plutôt ont-elles été menacées ?
Nous tenons aussi à rappeler que se rebeller en prison est un acte comportant d’énormes risques pour les personnes détenues. La répression est immense, et il arrive même fréquemment que des détenu.e.s soient tabassé.e.s voire même abattu.e.s par les forces de l’ordre durant l’intervention pour réprimer la mutinerie.
Pour cela, nous ne laisserons rien se passer dans ces prisons. De dehors nous vous observons, de dehors nous les avons entendus, de dehors nous tâcherons de restituer ce que nous pouvons comprendre des revendications des personnes détenues, malgré ces murs qui nous séparent.
Des tonnes de pensées à chaque personne en détention !