Pour rappel, le cortège, libre de mouvement mais escorté par un dispositif policier hallucinant, a pu défiler jusqu’à la sortie du pont de la Coulouvrenière où il a été arrêté puis nassé dans la rue des Terraux-du-Temple pendant plus de deux heures.
La manifestation ce jour-là était une forme parmi d’autres de contestation au certificat covid à l’occasion d’une journée d’action appelé par le milieu alternatif genevois. En effet, ce vendredi 1er octobre était pour plusieurs lieux culturels (l’Écurie, Kalvingrad, la Makhno, le Spoutnik, Tu - théatre de l’usine, l’Usine, le Zoo) un jour de grève. On peut aussi mentionner une cantine de grève au Silure le vendredi midi et une soirée-rencontre en extérieur dans la cour de l’Ilôt 13 à l’issue de la manif.
Un concert, un karaoké, un film (programmés par le Théâtre de l’usine), des stands de bouffe et de boissons bricolés se sont déployés dehors pour accueillir le public de manière absolument inclusive. Façon de signifier que nos lieux sont capables de se délocaliser et faire exister leurs activités en extérieur, là où il est encore possible de se réunir, sans contrôles et en limitant les risques sanitaires au maximum. Ce moment visait également à interpeller tout les milieux frappés par l’application du certificat Covid dans le but d’imaginer d’autres voies, de susciter d’autres désirs et d’envisager des moyens d’entraide. Dans ce sens, nous invitons à ce que ce genre d’iniative essaime un peu partout.
Si la soirée à l’ilôt 13 a été complétement ignorée par la presse, la manifestation ne l’a pas laissée indifférente. Nous avons choisi de répondre à certaines affirmations qui ont été avancées par la presse locale.
Extraits choisis de la couverture médiatique et les réponses qui s’imposent :
La Tribune de Genève nous parle d’un défilé "sans heurts". Nous répondons qu’une femme a été blessée au moment où la police a chargé et matraqué pour nasser le cortège (alors que les manifestant.es reculaient). Les tentatives de lui porter secours ont été vaines puisque des coups de matraques ont continué à pleuvoir. Des vidéos prises à ce moment-là montrent que lorsqu’elle a repris connaissance, elle a été à nouveau brutalisée par la police, alors même qu’elle venait de recevoir un gros choc à la tête. Par ailleurs, d’autres violences policières ont eu lieu en dehors de la nasse, des personnes n’ayant rien à voir avec la manifestation ont été violemment délogées par la police du pont de la Coulouvrenière, sans aucune explication. De plus, heurt il y a déjà, dès lors que tout l’attirail répressif de sortie (robocops, drones, canon à eau) ne vise rien d’autre qu’à intimider les manifestant.e.x.s et que la manif est entravée à 10 minutes du lieu où elle se rendait dans le calme.
Keystone-ATS récolte et recrache tels quels les propos du conseiller d’Etat Mauro Poggia, chef du Département de la sécurité, qui indique notamment que la présence d’une banderole renforcée à la tête de la manif était le « signe d’une volonté de confrontation » et donc une justification suffisante pour une telle intervention. Pour rappel, tout drapeau est soutenu par un mat. Les quelques plaquettes en bois au dos de la banderole servent avant tout à la tenir et éventuellement à ne pas se faire casser les doigts par la police (l’intervention du 19 décembre 2020 a fini de nous convaincre qu’il valait mieux être équipées que compter sur le fameux "principe de proportionnalité" que l’on a jamais vu appliquer). Contrairement à ce que Poggia prétend ce n’est pas l’apparition d’une banderole qui définit le dispositif policier. La répression se décide toujours à l’avance et pas "au dernier moment", elle s’inscrit dans un contexte local, fait l’objet d’anticipations de la part des autorités (combien on mobilise de troupes, quel matériel, etc) et poursuit des objectifs fixés en amont de l’intervention. Ici il était question d’intimider, comme nous l’avons déjà dit, mais aussi de ficher : les flics ont chargé préventivement le cortège à la rue des Terreaux-du-Temple, ont tenu une "nasse", puis ont fiché les participant.e.x.s qui souhaitaient en sortir en prenant en photo leur visage et leur identité. Ils ont également utilisé un drone au dessus de la manifestation et de la nasse.
La RTS,quant à elle, interviewe Joanna Matta, porte-parole de la police genevoise, qui dit exactement ce qu’on attendait de quelqu’un occupant sa fonction au 12h45 du lendemain de la manif.
1er temps : "Beaucoup de personnes sont parties, pas mal de familles aussi, c’était important pour nous que des familles ne se retrouvent pas mal prises."
Donc, il y avait l’intention de mal prendre. Qui, et quoi, on ne le saura pas.
Et si chaque manifestant.e.x venait avec un parent proche ou lointain, que se passerait-il ?
2e temps : "Les dispositifs policiers doivent être en mesure de pallier à la situation. Le dispositif doit être réarticulé à tout moment à la hausse ou à la baisse suivant l’évolution du contexte". Au risque de se répéter, le niveau de conflictualité de la manifestation est resté le même tout au long du cortège, soit niveau zéro. Pourtant, à mesure de l’avancée de la marche, le corps policier s’est démultiplié, jusqu’à saturer tout l’espace public. Sacré problème de lecture lorsque l’on sait qu’on était à 500m du lieu d’arrivée de la manifestation et qu’une poignée de minutes aurait suffit à couvrir le reste du parcours.
Les journalistes du Courrier, en bons journalistes de gauche, s’inquiètent de la présence de l’extrême droite et de discours antivax dans la manif. On les en remercie, c’était évidemment une de nos grandes préoccupations. Dommage que rien de ce qui leur a été longuement expliqué par nos camarades lors d’un entretien donné avant la marche n’ait été retranscrit dans leur article à ce propos. On notera également que le paragraphe consacré à une altercation opposant des manifestants et des partisans d’Agora TV (nationalistes suisses tendance Qanon) s’achève sur une citation sortant de la bouche d’on ne sait qui : "Finalement, c’est le même combat". Ce n’est pas le même combat. Nous ne sommes pas un mouvement anti-vaccin et si nous avons pris la rue c’est aussi pour ne pas la laisser à nos ennemis politiques. Face au libéralisme déchaîné promu par l’extrême droite ainsi que son retour décomplexé dans l’espace public, nous interrogeons les nouveaux outils et dispositifs de contrôle et cherchons collectivement les réponses à y apporter. Il aurait été agréable de voir notre parole relayée de façon honnête par un des seuls médias prétendant encore être de gauche.
La suite, celle qui nous ressemble et celle dont on ne veut pas
Les lieux qui se sont mobilisés pour la journée d’action contre le certificat covid continueront à le faire et il y a fort à parier qu’ils seront rejoints par d’autres encore. Pour autant cela ne peut pas se faire en sacrifiant les idées que nous portons et nous n’étendrons pas la mobilisation aux opportunistes d’extrême droite. Nous ne défendrons pas nos intérêts aux dépens de ceux des autres. Nous ne nous mobiliserons pas avec les fachos.
Nous appelons donc nos publics et sympathisant.es à continuer à nous suivre et à se tenir informé.es des prochaines actions mais également à boycotter totalement la manifestation du 9 octobre à Genève. Cette manifestation est appelée par des groupes d’extrême droite fascisants qui font leur beurre en manipulant le mécontentement légitime de la population face à la gestion de la crise sanitaire. Nous n’avons rien à faire à leurs côtés et nous dénonçons leurs tentatives pathétiques de récupération de notre manifestation.
Anti-certificat covid aujourd’hui,
Antifascistes toujours !