Quatre. C’est le nombre de Noirs morts, depuis 2016, au contact de la police, dans le Canton suisse de Vaud (VD), capitale Lausanne, siège mondial de l’Olympisme et de ses valeurs humanistes. Surtout, tous les quatre morts sont survenus durant le mandat de la même autorité politique, la ministre Verte de la Justice et de la Police, Béatrice Métraux (66 ans), patronne depuis 2013 de cette police tueuse. Cela résulterait-il de son expérience africaine, sur la terre par excellence de la banalisation de crimes structurels contre les Noirs et de la négation de toute justice à leur égard, depuis les traites négrières, l’esclavage, la colonisation, l’islamisation, la christianisation, etc. ? Selon le site des Verts vaudois, cette juriste de formation a vécu et a travaillé entre 1980 et 1990 au Sénégal, au Rwanda et au Mali...
Dix. C’est le nombre de Noirs arrachés à la vie par la police dans toute la Suisse. Il s’agit d’un décompte tenu par l’Observatoire du CRAN depuis 2001. Sans compter les corps mutilés. La dernière victime vient d’être exécutée ce 30 août 2021 sur un quai de gare, à Morges, en terre vaudoise. Les circonstances rappellent le comportement désinvolte du policier meurtrier de George Floyd, aux États-Unis.
Derek Chauvin (assassin de George Floyd) a sans doute accompagné en esprit les policiers qui ont laissé agoniser à leurs pieds, dans un total détachement, un jeune Noir qui les avait menacés avec un « petit couteau », voire un « caillou », selon des témoins [1]. Domicilié à Zürich et psychiquement instable, il venait d’être criblé de trois balles. Menotté ensuite et ses poches vidées, il a fallu l’intervention d’un infirmier présent par hasard sur le quai pour se voir prodiguer, cinq minutes plus tard, un massage cardiaque. Trop tard. Encore une mort qu’on aurait pu éviter si les deux policiers avaient procédé à ce massage aussitôt après l’avoir menotté. Volonté de laisser se détruire totalement ce corps Noir ?
A Zürich : délire policier - et impuni - sur un Noir aspergé de 13 balles !
Le processus d’attribution d’un Permis de tuer des Noirs par « légitime défense » s’est beaucoup intensifié ces dernières années, grâce à une jurisprudence ad hoc méthodiquement élaborée.
• 24 juin 2020. Zürich. La justice acquitte un agent de police poursuivi pour tentative de meurtre après avoir tiré onze fois sur un Éthiopien qui l’aurait menacé avec un couteau de cuisine lors d’un contrôle en décembre 2015 . Distance de tir : « un demi-mètre au moins pour chacun des impacts » [2] . Son collègue qui a juste tiré deux fois n’a pas été inculpé. Trois autres agents présents sur les lieux n’ont pas été appelés à comparaître. Le seul récit sur cette affaire émane de la police. La victime multimutilée est encore aujourd’hui incapable d’articuler un récit établissant les faits.
Vivant en Suisse depuis plus de vingt ans, avec son épouse, Omar Mussa Ali tombe gravement malade en 2015 [3]. Les médecins lui ont diagnostiqué une schizophrénie paranoïaque, avec des crises durant lesquelles il ne sait plus où il est, ce qu’il fait ou dit. Il a 42 ans. Invalide et à l’AI, il ne travaille plus. Son état est connu de la police zurichoise. Mais, le 27 décembre, après une alerte de son épouse, une patrouille le croise errant dans la rue à 6h du matin, un couteau de cuisine à la main. Il aurait menacé les policiers en leur criant « kill me, kill me ! » (« tuez-moi, tuez-moi ! »). Cela suffira pour le faire passer pour un « terroriste » : après avoir miraculeusement survécu au délire meurtrier des policiers tireurs, il sera aussitôt placé en détention à sa sortie d’hôpital.
A son procès intervenu en 2016, poursuivi pour avoir terrorisé la police, la juge renoncera à prononcer une peine en raison de sa très visible schizophrénie. Elle ordonnera plutôt une thérapie ambulatoire. Aujourd’hui, affligé de douleurs constantes, quotidiennes, suite aux six impacts de balles à la tête et au thorax notamment, Omar Mussa Ali n’a pas renoncé à obtenir justice.
Mascarade de règle dans les procès Noirs vs. Police
La tâche est herculéenne pour lui, au regard de ses minuscules moyens. Surtout, il ne peut rien face aux solides arrangements qui permettent de fabriquer les éléments d’une mascarade de justice :
- Quelques heures après le délire meurtrier, et sans attendre une enquête, Police et Ministère public vont publier un communiqué de presse commun pour disculper les policiers tireurs.
- Bien que cinq policiers aient été impliqués dans les faits survenus, seuls deux d’entre eux seront invités à comparaître et à témoigner dans le procès intenté contre Omar Mussa Ali.
- Le procureur, qui avait déjà disculpé les policiers le lendemain de leurs forfaits, sera le même à instruire contre M. Ali en 2016, avant de le faire contre l’un des policiers à son procès.
- En effet, devant les obstructions du procureur (arrêt des poursuites contre les policiers, etc.), Omar Mussa Ali et son avocat vont recourir au Tribunal fédéral en 2018. Seul le policier ayant tiré 11 fois, dont trois dans le dos de la victime, sera admis à comparaître. En 2019. L’instruction sera confiée encore une fois au même procureur partial. Falsifiant la réalité grâce à l’exclusivité du récit de la police, le tribunal le suivra : le policier sera totalement blanchi en 2020 !
Mascarade ? A l’évidence : pas de témoins et pas d’images accablantes = 0 chance face à une police et une justice coalisées et prêtes à tous les forfaits pour dénier toute justice à des Noirs.
• 30 mars 2021 et 19 août 2021. En première instance et en appel, les tribunaux chargés d’examiner la « légitime défense » déniée par une famille congolaise au brigadier meurtrier de leur fils (Hervé Mandundu, 27 ans), en 2016 à Bex (VD) [4], ont estimé proportionnée la prestation du policier.
Venu avec quatre collègues pour maîtriser ce jeune papa « sous l’emprise de la drogue », selon la police, et menaçant un voisin avec un couteau de cuisine, le policier et ses collègues s’équiperont en conséquence : gilets pare-balles, gants pare-couteaux, bâtons tactiques, sprays au poivre, etc. Bien qu’étant accompagné et équipé de la sorte, en plus d’être expérimenté et formé à la self-défense en principe, le policier tueur a persisté : « J’ai tiré pour sauver ma vie ».
Le seul choix policier ne pouvait-il qu’être celui-là ? Les juges lui ont donné raison : « Légitime défense ! ». Ils s’étaient arrangés aussi pour faciliter cette issue bénéfique au policier :
- Refus d’écouter comme témoins des voisins plutôt critiques envers les policiers,
- Refus de procéder à une reconstitution de la scène du crime, etc.
Mascarade ? Le poids d’accablantes images prises sur le vif a fait défaut ici aussi.
• 30 août 2021. Morges. Légalement dopés par ces verdicts, les policiers vaudois ne pouvaient que s’installer commodément dans la récidive. Venu à la gare de Morges avec un collègue pour maîtriser un Noir souffrant apparemment d’un dérangement psychique et qui s’est mis à les poursuivre avec son « petit couteau », le policier n’a pas hésité. Il a tiré trois fois, même quand le jeune homme s’écroulait. Selon un témoin : « Pour moi, le troisième coup était injustifié » [5].
Certes, ici, d’accablantes images explicites sont heureusement à disposition. Mais, la fabrique vaudoise de l’impunité, semble préparer déjà la même mascarade judiciaire habituelle :
- Dissimulation dans les médias des origines Noires de cette victime, après les avoir mentionnées le premier jour, dans le journal télévisé de la RTS du 31 août 2021. Peur d’un soulèvement Black Lives Matter ou de fâcher les ambassadeurs africains qui (enfin !) interpellent de plus en plus les autorités face à la recrudescence des violences policières racistes, à la suite de George Floyd ?
- Propagation des thèses aussi insoutenables que risibles telles que le suicide par police interposée, ou « suicide by cop », une trouvaille de la police américaine [6], sans doute inspirée du préjugé consistant à rendre la victime d’un viol responsable de son viol : « Elle l’a cherché » !
- Orientations tracées déjà par le commandant de police à l’attention du procureur, à la télé, malgré une procédure en cours : « On se trouve dans une situation où la légitime défense est avérée. (…) Je considère que c’est un élément que le procureur aura à l’esprit quand il analysera le comportement de cette personne » [7]. Ce commandant dirigiste a également expliqué la non-réanimation de la victime par « la volonté pour les policiers de s’assurer qu’ils ne courent plus de danger ». C’est vrai que pour certains esprits, un Noir, même troué de balles, menotté et gisant inconscient à terre, reste extrêmement dangereux ! …
La ministre vaudoise Béatrice Métraux devrait démissionner !
Au vu de ce qui précède,
• Le CRAN adresse ses condoléances les plus émues à la famille du jeune homme tué à Morges et partage sa douleur face à cette perte. Puissent les Ancêtres réserver à ce fils le meilleur repos !
• Le CRAN dénonce avec vigueur les destructions récurrentes des vies de jeunes Noir-e-s en Suisse, grâce à la politique du laisser-faire qui sert de boussole aux autorités responsables. Le seul signal fort envoyé à une police assurée de sa totale impunité, malgré ses violences racistes avérées, après le drame de Bex par exemple, a consisté à récompenser le brigadier tueur du grade de sergent.
• Le CRAN invite la ministre Verte Béatrice Métraux à démissionner de son poste (Justice et Police), sinon à changer de département. Déjà quatre morts à l’actif de sa gouvernance. Combien de corps Noirs lui faudra-t-il encore laisser détruire par ses troupes pour ébranler sa conscience humaniste ?
• Le CRAN aimerait attirer l’attention des autorités dans leur ensemble devant la détérioration croissante de l’image tant du Canton de Vaud et de Lausanne que de l’ensemble de la Suisse, au regard des meurtres récurrents de Noirs. La représentation d’une « Police vaudoise/suisse, tueuse de Noirs » (avec soutien de la Justice) inquiétera beaucoup de personnes d’ascendance africaine ayant un prestige international et de plus en plus sensibles à l’expression structurelle du racisme anti-Noir ainsi qu’à la non-considération de sa nouvelle frontière : « Black Lives Matter » !
• Le CRAN appelle de ses vœux à un sursaut pour un autre effet Derek Chauvin, en condamnant pour la première fois en Suisse un policier tueur de Noir. A moitié d’origine suisse, le jeune Noir abattu à Morges pourrait rendre possible ce sursaut. Sa mort, toutes les morts Noires, ainsi les corps mutilés par des violences policières impunies, comme celui criblé de balles d’Omar Mussa Ali, ne cesseront de révolter atrocement la conscience des Noirs de Suisse et hors de Suisse.
Pour le Conseil de gestion du CRAN,
Les Porte-paroles :
• André LOEMBE, Vice-Président (079 345 08 52)
• MUTOMBO Kanyana, Secrétaire général (079 754 54 85)
COMMUNIQUE ENVOYE POUR INFORMATION A :
- Conseillère (ministre) fédérale en charge de la Justice et de la Police, Berne
- Conseillère (ministre) cantonale en charge de la Justice et de la Police, Lausanne
- Conseil d’état (Gouvernement) du Canton de Vaud, Lausanne
- Président du Comité international olympique, Lausanne
- Procureur général du Canton de Vaud Lausanne
- Commandant de police du Canton de Vaud, Lausanne
- Délégué permanent de l’Union Africaine auprès de l’Office des Nations Unies à Genève
- Ambassadeurs des pays africains et non-africains en Suisse, Berne et Genève
- Commission fédérale contre le racisme (CFR), Berne
- Haut-Commissariat de l’ONU pour les droits de l’Homme, Genève
- Rapporteur spécial de l’ONU sur le racisme, Genève
- Commission de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD), Genève
- Commission européenne sur le racisme et l’intolérance (ECRI), Strasbourg
- Presse nationale et internationale en Suisse
- Médias des pays africains
- ONGs et associations africaines
- ONGs internationales actives dans la défense de la dignité et des droits humains