Féminismes - Luttes Queer Thème du mois

Abolir la famille - Acte II

Parmi les militant.es féministes l’« abolition de la famille » divise. D’une part on l’attend fermement pour pouvoir enfin vivre, d’autre part on se rappelle ce que le capitalisme a fait à celles et ceux qu’il a privés de leurs familles. Ici, M.E. O’Brien fait un saut dans le passé pour mieux définir le concept, pour en finir avec la subjugation de l’amour par le capital.

Article trouvé sur le site Trou Noir qui propose le 28 de chaque mois un voyage dans la dissidence sexuelle.Voici la note note de Trou Noir à propos de cet article qui est une traduction de l’anglais :

Nous publiions au mois de février dernier un court texte programmatique intitulé “Abolir la famille en six étapes” de ME O’Brien. Nous donnons maintenant à lire la traduction française d’un important article de la même autrice, publié originellement dans la revue EndNotes, qui revient plus en profondeur sur les rôles de la famille ouvrière et de la libération du genre dans le développement capitaliste, mais ouvre en même temps des pistes de réflexion pour donner naissance à une politique queer à la fois offensive et constructive. Qu’est-ce qui est précisément nécessaire à abolir dans l’institution familiale ? Qu’est-ce qui reproduit les possibilités de régénérescence du capitalisme à partir de nos identités ? [1]

Après avoir d’abord décrit dans la première partie les formes familiales très variées qu’ont connues la classe ouvrière européenne et les personnes noires esclavagisées aux Etats-Unis, ME O’Brien analyse ici les mécanismes qui ont conduit depuis la fin du 19e siècle à l’imposition du modèle familial bourgeois de la famille nucléaire à l’ensemble de la société. Trois cas particuliers sont étudiés : le mouvement ouvrier allemand de l’entre-deux guerres, la Révolution soviétique et l’Amérique de la première moitié du vingtième siècle.

II – Le mouvement ouvrier et la famille basée sur le salaire masculin

Là où Marx et Engels virent la famille nucléaire et monogame comme une spécificitéde la société bourgeoise, le mouvement ouvrier posa dès son émergence l’exigence d’un salaire familial comme une demande centrale permettant d’assurer un accès limité au nouveau mode de vie respectable de la famille ouvrière. Le mouvement ouvrier, qui dura des années 1880 à la moitié des années 1970, forgea une identité ouvrière affirmative comme base d’une organisation politique massive et stable en partis socialistes et en syndicats [2]. L’identité ouvrière fournit une base commune permettant d’affirmer le droit et la capacité de gouverner, aussi bien dans la lutte pour l’accès au droit de vote que dans la conception d’états et de sociétés socialistes soumises au contrôle ouvrier. Plutôt que de chercher à s’autoabolir, le prolétariat du mouvement ouvrier a aspiré à un monde qu’il extrapolait à partir des expériences du travail industriel salarié. Trois éléments constituent l’horizon commun de toute la masse des courants communistes, socialistes et anarchistes jusqu’aux insurrections de la fin des années 1960.

L’idéal de la famille typique du mouvement ouvrier comptait un seul salarié masculin qui prenait en charge une femme au foyer non salariée, des enfants scolarisés et le coût d’une habitation qui constituait ainsi un noyau respectable de conformité morale et sexuelle. Ce fut en partie pour cette forme familiale que lutta le mouvement ouvrier et qu’il obtint parfois des victoires au cours de sa période ascendante. La forme familiale basée sur le salaire masculin, couplée aux victoires économiques et politiques parallèles du mouvement ouvrier, contribua à de nouvelles conditions relativement stables permettant la reproduction sociale générationnelle de la classe ouvrière. Même parmi les familles ouvrières incapables de retirer entièrement du marché du travail une épouse ou une mère, les éléments primordiaux de cette forme familiale devinrent essentiels à la respectabilité ouvrière émergente qui était encore rare au cours de la période précédente : pas de vie commune avec d’autres familles ; recherche de logements monofamiliaux si possible ; contrôle masculin des finances du foyer ; abus physiques et sexuels commis par le père à l’encontre de membres du foyer dans l’isolement vis-à-vis du voisinage permis par les structures familiales et les logements ; épouses prenant en charge la responsabilité totale du travail reproductif non salarié.

Cette forme familiale constituait une formidable victoire dans l’amélioration du niveau de vie et de survie de millions de membres de la classe ouvrière et dans la création d’une base pour des organisations de voisinage stables, des luttes socialistes soutenues et des victoires politiques majeures. Ce fut aussi un moyen par lequel le mouvement ouvrier se distinguait du lumpenprolétariat, des travailleurs noirs et des queers. Cette forme familiale fournissait une base sexuée et genrée pour l’identité blanche américaine et pour la classe moyenne propriétaire. Cette forme familiale peut être indifféremment décrite comme « basée sur le salaire masculin » ou « basée sur la femme au foyer » : on reconnaît dans les deux cas la double dépendance au travail masculin salarié et au travail féminin non salarié. On pourrait qualifier cette forme familiale « salarié » en reconnaissance du rôle crucial joué par le salaire comme condition de possibilité de cette forme familiale.

De nombreux facteurs créèrent les conditions de cette nouvelle norme au cours des années 1880 et 1890 dans les centres industriels d’Europe [3]. Les syndicats, les partis ouvriers et les réformistes sociaux bourgeois et libéraux, soutenus par les menaces ouvrières insurrectionnelles, remportèrent une série de régulations, de mesures et de développements d’infrastructures publiques qui améliorèrent fortement la vie ouvrière et contribuèrent à l’émergence de cette norme basée sur le salaire masculin. Dans le même temps, des changements structurels induits par le développement capitaliste consolidèrent la production salariée à l’usine, firent sortir les enfants et les femmes mariées hors de la force de travail salariée et abaissèrent le coût des biens de consommation.

L’agitation et l’organisation syndicales obtinrent des augmentations de salaire notables ainsi qu’une part de salaire croissante, permettant ainsi une amélioration générale du niveau de vie. Les salaires plus élevés rendirent possibles les foyers basés sur un salaire unique et distinguèrent ainsi la classe ouvrière respectable du lumpenprolétariat. L’aspiration à cette forme familiale établissait une solidarité symbolique entre les travailleurs, les employeurs et l’État. Les syndicats utilisèrent explicitement la revendication du « salaire familial » au cours des années 1890 comme fondement pour légitimer les augmentations de salaire. Cet appel était entendu auprès des alliés bourgeois progressistes précisément parce qu’il démontrait l’aspiration bourgeoise d’une partie de la classe ouvrière. Parallèlement à l’exigence de salaires masculins plus élevés, les syndicats s’organisèrent pour l’exclusion des femmes de l’industrie, exclusion comprise comme un moyen d’empêcher la compétition et la baisse de salaires, et qui se réalisa avec succès dans de nombreux cas au cours des années 1880 et 1890. Les travailleurs masculins avaient un fondement rationnel pour exclure les femmes de l’emploi : là où les syndicats se révélaient incapables d’empêcher le développement de l’emploi des femmes, les salaires chutaient dramatiquement à cause de l’augmentation de la force de travail en réserve et du salaire plus bas accordé aux femmes. De meilleures opportunités d’emplois pour les hommes que pour les femmes de la classe ouvrière rendirent à leur tour plus rationnel pour les familles ouvrières de concentrer leur énergie à réserver le plus possible aux membres masculins adultes du foyer le travail salarié [4].

Parallèlement aux avancées politiques pour augmenter les salaires, la compétition capitaliste fit chuter la valeur des biens de consommation, augmenta les salaires réels et améliora le niveau de vie des membres de la classe ouvrière. L’accroissement de la productivité des biens de consommation destinés à la classe ouvrière améliora ses conditions de vie à la fin du XIXe,au début du XXe siècle et au cours du siècle suivant de développement capitaliste.

De plus, comme les employeurs cherchaient à exercer un contrôle plus total sur le procès de travail et à éliminer les équipes de travail, ils réduisirent fortement l’emploi des enfants. L’abandon progressif du travail basé sur les équipes coïncida avec la montée en puissance de la campagne politique de restriction du travail infantile et des heures de travail des enfants. Les enfants quittaient alors l’usine pour rejoindre de nouveaux systèmes d’instruction publique obligatoire où ils étaient d’autant mieux endoctrinés d’après les idéaux familiaux bourgeois.

Les fabricants industriels firent progressivement cesser le travail à domicile pour l’installer de façon plus systématique dans les usines, et mirent ainsi un terme au domestic system grâce auquel les mères s’adonnaient au travail salarié depuis leur domicile. La disparition de cette niche de travail payé pour les mères les incita de plus en plus à se consacrer au travail reproductif domestique et non-salarié. Le travail salarié des femmes n’eut ainsi plus lieu qu’avant la naissance de leurs enfants ou après leur éducation. L’accroissement de cette division entre l’usine et le domicile consolida et intensifia une compréhension particulièrement genrée et subjective du travail : une masculinisation du travail salarié et une féminisation du travail reproductif. Les membres de la bourgeoisie comme de la classe ouvrière s’inquiétaient depuis longtemps des effets corrosifs du travail des femmes et cherchaient à concevoir une organisation convenable de la vie familiale. Avec les nombreux changements advenus dans le développement capitaliste et le pouvoir politique au cours des années 1890, toute une strate de la classe ouvrière devint capable d’endosser une telle forme familiale et d’accepter la division genrée du travail qui l’accompagnait.

Les gouvernements municipaux construisirent les infrastructures des quartiers adaptés à cette nouvelle classe ouvrière respectable, poussés par l’organisation des socialistes : des systèmes d’acheminement de l’eau courante et d’évacuation des eaux usées, des lotissementssalubres et des tramways pour les transports de masse. Ces infrastructures firent fortement baisser les maladies et la mortalité, et permirent aux membres de la classe ouvrière de vivre plus loin de leurs usines et dans des conditions plus confortables, d’adopter des pratiques d’hygiène plus intenses et les distinguèrent plus nettement des pauvres.

Tous ces facteurs convergèrent pour permettre, inciter et forcer les familles ouvrières à adopter la forme familiale basée sur le salaire masculin et à fournir les fondements sexuels et genrés d’une identité ouvrière affirmative. Dans les budgets des familles de 1873 à 1914, toutes les couches de la classe ouvrière européenne virent une augmentation significative de la proportion du revenu apportée par le ou les hommes adultes, proportion qui se stabilisa souvent autour des 70 ou 80 %. La consolidation de cette norme de la forme familiale basée sur le salaire masculin dessine une courbe en U décrivant l’évolution de l’activité économique des femmes mariées, qui atteignait parfois son point le plus bas entre 1910 et 1920.

Il ne faut pas sous-estimer la respectabilité acquise par le mouvement ouvrier à travers l’adoption de cette forme familiale. Il n’était pas rare que les membres de cette classe soient caractérisés comme biologiquement sous-humains, fondamentalement inférieurs en intelligence et en capacités culturelles et profondément inaptes à participer à toute forme de gouvernance. Cette hostilité envers la classe ouvrière s’aggrava en assujettissement racial et en idéologie, quand les notions d’infériorité génétique inhérente furent employées contre les noirs, les immigrants et les travailleurs juifs ou irlandais. Pour le mouvement ouvrier, acquérir une respectabilité aux yeux de certains membres de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie ainsi qu’une dignité pour eux-mêmes constituait un élément crucial et nécessaire dans la lutte plus large et finalement remportée pour obtenir le droit de vote et de participation au gouvernement, la légalisation des activités syndicales, la décriminalisation de nombreux éléments de la vie ouvrière, des améliorations importantes du niveau de vie ainsi qu’une chute sur le long terme de la mortalité infantile. Pour beaucoup, une telle respectabilité constituait une étape dans la lutte révolutionnaire sur le long terme vers le socialisme et l’émancipation réels. Aujourd’hui, le terme de « respectabilité » revêt une connotation de conservatisme politique ; pour de nombreux membres de la classe ouvrière, il s’agissait d’un moyen pour obtenir un pouvoir politique réel et une refonte révolutionnaire de la société.

Cette forme familiale constitue une « norme », notamment parce qu’elle a servi comme mesure et marqueur de respectabilité. Les familles où les mères continuaient à travailler, à domicile ou à l’extérieur, en échange d’un salaire se voyaient condamnées par leurs voisins et risquaient l’exclusion sociale. Les travailleurs masculins commencèrent pendant ce temps à lier leur capacité à soutenir leurs familles à un sentiment de fierté patriarcal, d’accomplissement et de respect de soi. Les travailleurs voyaient dans cette structure familiale un moyen de revendiquer une dimension morale à leurs salaires et de légitimer la législation pro-ouvrière auprès des politiciens bourgeois. Les femmes au foyer devinrent les principales organisatrices des quartiers ouvriers et des organisations sociales. La légitimité morale accordée à cette structure familiale constituait également un moyen par lequel le mouvement ouvrier put étendre son influence depuis le lieu de travail jusqu’à la société dans son ensemble.

Rien ne prouve que cette forme familiale basée sur le salaire masculin constituait une conséquence inévitable du développement capitaliste ni qu’elle ait été conçue et implémentée par les employeurs à la fin du XIXe siècle. La plupart d’entre eux avaient peu de contrôle direct sur les heures libres des travailleurs, sur leurs choix familiaux ou leurs arrangements domestiques, ce qui va à l’encontre des visions fonctionnalistes de la famille comme outil au service des capitalistes. En dehors des cas de villes dominées par une entreprise dans des zones géographiquement isolées, les employeurs ne semblent pas avoir lutté pour obtenir ce genre de contrôle. Cette forme familiale n’est pas non plus la conséquence d’une expansion inévitable des valeurs familiales bourgeoises dans la classe ouvrière. Certains éléments clefs des familles bourgeoises, comme l’héritage, n’avaient que peu ou pas d’importance pour la grande majorité des prolétaires. Cette forme familiale a été une conséquence contingente de la lutte des classes.

Aucun élément du mouvement ouvrier, pas même cette forme familiale, n’était universellement partagée ni accessible, et il n’arrivait que très rarement que l’un de ces éléments devînt possible pour une majorité de prolétaires. Mais l’accessibilité à cette forme s’accrut énormément pour les travailleurs salariés américains et européens au cours des années 1880 et 1890 pour devenir la forme familiale dominante dans de nombreux quartiers ouvriers stables. Ce qui laissa derrière de nombreuses familles ouvrières. Le tiers le plus pauvre des ouvriers n’obtint jamais de revenu lui permettant de survivre sur un seul salaire, ce qui obligea les mères à poursuivre un travail salarié informel là où elles pouvaient le trouver et de chercher un équilibre entre leurs emplois et l’éducation de leurs enfants, ce qui les exposait aux jugements de leurs voisins plus aisés. Les ouvriers pouvaient se comparer à leur avantage en considérant le sort du lumpenprolétariat et des sujets coloniaux. C’était avant tout une logique d’hétéronormativité raciale qui excluait les déviants sexuels et les travailleurs et travailleuses du sexe de l’autoconception que la classe se formait d’elle-même. En d’autres termes, avec l’émergence du mouvement ouvrier, la famille nucléaire en régime capitaliste cessa d’être comprise avant tout comme une institution bourgeoise comme c’était encore le cas chez Marx et Engels, pour représenter et signaler la distinction entre les blancs civilisés et les autres incivilisés. L’intégration sociale des travailleuses et travailleurs du sexe ainsi que des queer au reste de la classe vers le milieu du dix-neuvième siècle vacilla, et les déviants sexuels devinrent de plus en plus des parias exclus de la vie ouvrière respectable.

Contradictions de la Famille lors de la Seconde Internationale

Le mouvement ouvrier était marqué par une double attitude vis-à-vis de la famille. Face à la poursuite normative de la forme familiale basée sur le salaire masculin existait aussi une autre tendance qui était en contradiction avec elle et qui formait ses luttes au-delà des genres. Le mouvement ouvrier considérait que l’égalité socialiste dépendait d’une expérience partagée de la prolétarisation. Cela constituait un fondement interne pour l’affirmation d’une abolition positive de la famille à travers l’emploi des femmes et la collectivisation du travail reproductif. Cette tension entre la légitimité et la stabilité fournies au mouvement socialiste par la forme familiale à salaire masculin et l’égalité de l’emploi universel forgea les débats et les luttes au sujet de la famille tout au long de l’histoire du mouvement ouvrier.

Abstraction faite de leur position sur l’emploi des femmes, les socialistes de la Seconde Internationale abandonnèrent entièrement le mot d’ordre d’abolition de la famille. Karl Kautsky, le théoricien le plus influent du parti socialiste de masse le plus grand d’Europe, le Parti Social Démocrate allemand (SPD), expliquait que, si le capitalisme menaçait la famille ouvrière, tout le monde pouvait bien tenir pour certain que les socialistes n’attaqueraient jamais cette dernière politiquement :

« L’un des préjugés les plus répandus contre le socialisme repose sur l’idée qu’il propose l’abolition de la famille. Il n’y a pas un seul socialiste qui ait la moindre intention d’abolir la famille, c’est-à-dire de la dissoudre légalement et par la force. Seule une représentation grossièrement erronée peut attribuer au socialisme un tel projet. » [5]

Les femmes jouaient un rôle central dans la croissance et l’efficacité du SPD. Elles constituaient une section substantielle du parti puisqu’elles étaient les membres les plus actifs des organisations de quartier. Dans l’Allemagne du tournant du siècle, le livre socialiste le plus vendu n’était ni le Manifeste ni le Programme d’Erfurt de Kautsky, mais Femmes et socialisme de Auguste Bebel. L’auteur y relate la longue histoire de l’oppression de genre et prédit un avenir socialiste prochain d’égalité de genre. L’oppression de genre était le souci principal de la base massive de la plus grande organisation socialiste de la Seconde Internationale, précisément parce que le genre était la première forme dans laquelle les prolétaires comprenaient à la fois l’oppression capitaliste et l’émancipation socialiste.

Il y eut des exemples notables de femmes dirigeantes au SPD comme Clara Zetkin et Rosa Luxembourg. Eleanor Marx était particulièrement respectée dans la section britannique de l’Internationale. Même s’il y avait un désaccord de fond sur la manière dont le SPD devait se rapporter au problème des femmes, ces dernières ne cessèrent de revendiquer avec entrain l’égalité entre les genres et luttèrent avec succès pour que le SPD comprenne une plateforme intransigeante du droit des femmes. Le problème central était celui de l’emploi des femmes. Les partisans des femmes de la Seconde Internationale débattaient pour savoir si la force de travail féminine était en augmentation ou en baisse, si la présence des femmes dans l’industrie était néfaste ou non pour la cause de la classe, si les femmes au foyer constituaient un secteur important pour l’organisation et si l’emploi des femmes constituait ou non un élément essentiel à l’égalité de genre.

Les revendications qu’avançait Rosa Luxembourg en matière de droit des femmes étaient basées sur la participation de ces dernières. Les femmes étaient des sujets politiques précisément parce qu’elles travaillaient. Rosa Luxembourg considérait que les droits des femmes prolétaires dépendaient fondamentalement de leur participation au marché du travail :

« Aujourd’hui, des millions de femmes prolétaires créent du profit capitaliste autant que les hommes – dans des usines, des ateliers, des fermes, à domicile, dans les bureaux, dans les magasins… Ainsi, chaque jour et chaque pas en avant du progrès industriel ajoute une nouvelle pierre à la fondation solide des droits politiques égaux des femmes » [6].

D’autres socialistes considéraient que la réalisation de l’égalité pour les femmes à travers la participation au marché du travail avait un coût trop élevé et défendaient l’idée de chercher à limiter le travail salarié des femmes : « De nouvelles barrières doivent être érigées contre l’exploitation de la femme prolétaire. Ses droits comme épouse et comme mère doivent être restaurés et assurés de façon permanente ». [7]

La respectabilité d’une famille basée sur la femme au foyer était particulièrement convaincante pour les socialistes lorsqu’ils concevaient une société des travailleurs. La forme familiale basée sur le salaire masculin, avec l’environnement qui l’accompagnait, incarnait la respectabilité sociale sur laquelle le SPD se basait pour revendiquer sa capacité à diriger. De nombreux journaux du mouvement ouvrier célébraient les « bonnes femmes socialistes » qui élevaient de « bons enfants socialistes ». Les organisations communautaires des femmes constituaient l’un des mécanismes premiers d’extension de la base syndicale du SPD vers des politiques plus larges concernant la vie ouvrière. Les débats et la propagande socialistes au sujet des femmes mettaient le plus souvent en lumière des problèmes auxquels les femmes au foyer étaient confrontées, y compris les prix de consommation, les conditions de vie dans les quartiers, le logement, l’éducation, les dynamiques de pouvoir avec leurs maris, l’allocation de salaires au sein du foyer, la prise de décision dans les organisations ouvrières et le vote des femmes. La forme familiale nucléaire de la classe ouvrière, avec les quartiers ouvriers stables qui l’accompagnaient, devint un mécanisme primaire d’extension du pouvoir des syndicats dans la vie sociale jusqu’à constituer un élément essentiel du mouvement ouvrier et de son identité.

La Famille dans la Révolution russe

La revendication d’ « abolition de la famille » revêtit une signification différente et inédite avec le mouvement ouvrier russe ; plutôt qu’une lutte pour abolir la société bourgeoise, il s’agissait d’une vision socialiste de prolétarisation complète à travers la collectivisation du travail reproductif. Il y eut un effort réel d’abolition de la famille dans la logique du mouvement ouvrier au cours de la Révolution russe.

La classe ouvrière industrielle restreinte de Russie n’avait même pas commencé à obtenir le style de vie respectable basé sur la femme au foyer qui caractérisait leurs homologues allemands et anglais, et les bolcheviks ne manifestèrent au début aucune volonté d’encourager des formes familiales de ce genre. Lénine et les dirigeants du Parti Bolchévik étaient au contraire convaincus que la mobilisation totale des femmes était cruciale pour succès et la survie de la Révolution russe. Les bolcheviks mirent en application toute une série de mesures en faveur des femmes qui dépassaient de loin toutes les politiques en vigueur alors en Europe. Ils permirent de divorcer de façon simple, inscrivirent l’égalité de genre dans la loi et donnèrent accès à l’avortement. Façonnés par une sexologie progressiste, les bolcheviks appliquèrent également une série de mesures pro-homosexuelles qui incluaient l’abolition des lois contre la sodomie. Pendant une brève période, la Russie soviétique postrévolutionnaire fut championne dans le monde en matière d’égalité pour les femmes.

Alexandra Kollontai occupa des postes majeurs dans le jeune gouvernement soviétique et fut notamment à la tête des départements de sécurité sociale et de travail des femmes. Kollontai se battit pour que les institutions étatiques se portent entièrement responsables de l’éducation des enfants, de l’alimentation des travailleurs, de la lessive, du ménage et d’autres formes de travail domestique et de reproduction générationnelle. Kollontai appela à l’abolition de la famille comme unité économique à travers la collectivisation du travail reproductif :

« L’économie communiste se débarrasse de la famille. Au cours de la période de dictature du prolétariat, il y a une transition vers la planification de la production et la consommation sociale collective, de sorte que la famille perd sa valeur d’unité économique. Les fonctions économiques externes de la famille disparaissent et la consommation cesse d’être organisée sur la base de la famille individuelle, de sorte que la production, le raccommodage et le lavage du linge comme les autres aspects du travail domestique sont intégrés à l’économie nationale. » [8]

La collectivisation du travail reproductif jouait un rôle particulièrement central comme mécanisme matériel effectif de cette abolition. « L’État des travailleurs remplacera la famille » y compris dans l’éducation des enfants à travers l’extension massive des écoles maternelles, des colonies pour enfants et des crèches [9]. Kollontai voyait la transformation du travail reproductif comme un moyen de modifier fondamentalement le genre et les relations sexuelles en Russie et d’établir ainsi l’égalité totale entre les genres :

« Plus de servitude domestique pour les femmes. Plus d’inégalité au sein de la famille. Plus besoin pour les femmes de craindre d’être abandonnées sans ressource avec des enfants à élever. La femme dans la société communiste ne dépend plus de son mari, mais de son travail à elle. » [10]

Elle avait sa propre pensée en mouvement de ce à quoi la sexualité et le genre pouvaient ressembler suite à une telle révolution sociale de la vie domestique, notamment avec des relations entre les genres profondément égalitaires, une augmentation des droits des minorités sexuelles et de nouvelles formes d’organisation des relations sexuelles et amoureuses. Si l’ensemble du travail reproductif est complètement collectivisé, la famille cesse d’avoir la moindre fonction économique pour devenir un pur choix personnel.

Mais cette émancipation avait un coût dérivant de la vision que le mouvement ouvrier avait de la transition socialiste : l’universalisation du travail salarié sous l’autorité de l’état. Kollontai disait explicitement que la famille devait être abolie précisément parce qu’elle privait la société de ressources que les travailleurs pourraient consacrer au travail : « L’état n’a pas besoin de la famille parce que l’économie domestique n’est plus profitable : la famille distrait l’ouvrier du travail productif utile ». La vision de Kollontai remplaçait la famille par l’usine comme unité sociale de reproduction et donc le patriarcat par une nouvelle tyrannie du travail et de l’état.

Peu de travaux documentent les expériences réelles des femmes révolutionnaires russes qui vivaient dans les logements collectifs, qui partageaient le soin des enfants et qui mangeaient dans les cantines que Kollontai défendait. L’expérience de la paysannerie chinoise durant le Grand bond en avant suggère cependant que les contradictions ont pu être considérables. En Chine toujours, des programmes soutenus par l’état visaient à remplacer la famille par une collectivisation du logement, de la nourriture et du soin apporté aux enfants. Mao avait appelé à l’abolition de la famille à travers la collectivisation : « Les familles sont le produit de la dernière étape du communisme primitif et toute trace de cette dernière sera éliminée dans l’avenir… À présent, les familles de travailleurs ne sont plus des unités de production. » Bien qu’elles aient beaucoup fait pour bouleverser les relations de genre des familles paysannes, ces cantines devinrent aussi des instruments de discipline coercitive. Ainsi les gestionnaires des cantines qui connaissaient des pénuries n’eurent de cesse de rationaliser l’accès à la nourriture basé sur le favoritisme social. Tandis que la politique étatique exacerbait la famine, les paysans n’avaient plus de moyens indépendants de se nourrir. Plus de trois millions de personnes moururent de faim entre 1958 et 1962 et les cuisines collectivisées semblent compter parmi les principaux responsables. En 1961, l’un des membres officiels du gouvernement écrivit : « Les masses détestent et exècrent les cuisines communales. Les masses disent : "si tu deviens l’ami d’un gestionnaire de cantine, tu n’auras plus jamais envie de pain ni de soupe… Il y a un couteau suspendu au-dessus de la louche à riz." »

Lénine soutint l’effort de Kollontai en tant que moyen de survie immédiate durant la Guerre civile, mais elle fut la seule à aspirer à transformer les familles russes de façon permanente. Avec la fin de la guerre en 1922, le gouvernement bolchevik retira son soutien aux efforts de collectivisation du travail domestique et n’en maintint que certains d’entre eux, comme les crèches, qui permettaient aux femmes de travailler dans les usines et dans les champs. En 1933, Staline recriminalisa l’homosexualité, revint sur le droit légal au divorce et introduisit des politiques natalistes qui encourageaient la formation de la famille nucléaire. Kollontai passa la fin de sa vie dans les années 1940 comme ambassadrice en Suède et s’accommoda comme elle put de la réimposition de l’inégalité de genre et de la consolidation de la famille nucléaire en Union soviétique.

Dans la politique des bolcheviks, nous voyons encore une fois une contradiction fondamentale au sujet de la famille pour le mouvement ouvrier : la revendication de l’égalité et des progrès socialistes par la prolétarisation cohabite avec la revendication de légitimité et de stabilité au moyen de la famille nucléaire. Tandis que le SPD penchait d’emblée vers le second pôle, la Révolution russe revira progressivement du premier vers le deuxième.

Jim Crow

Les États-Unis suivirent une trajectoire parallèle, mais différente dans la consolidation d’une norme de la famille ouvrière, trajectoire intimement mêlée aux lois Jim Crow, à la propriété blanche et au processus de banlieusardisation.À la fin du dix-neuvième siècle, la plupart des Américains, blancs comme noirs, travaillaient dans l’agriculture. Le Nord-est s’industrialisait rapidement avec un secteur manufacturier et une masse de travailleurs blancs en pleine expansion, largement organisée au moyen de leurs identités d’immigrants européens. Le Midwest abritait de petites fermes indépendantes gérées par des familles blanches installées à la suite des déportations de guerre génocidaires contre les nations des Américains natifs. Le sud-ouest, acquis au détriment du Mexique vers la moitié du dix-neuvième siècle, connut un afflux de blancs venus s’installer pour travailler dans les mines, l’agriculture et l’élevage de bétail suite à la réalisation des chemins de fer qui intégraient économiquement la région au reste des États-Unis. Les propriétaires terriens blancs du sud démantelèrent la Reconstruction noire en réimposant dans les années 1890 un nouveau régime suprémaciste blanc de ségrégation légale, de privation des droits civiques et de terreur raciale soutenue et contraignirent ainsi les Afro-Américains à travailler dans l’agriculture comme métayers tout en les empêchant d’obtenir les avantages du mouvement ouvrier. Le mouvement ouvrier américain fut conditionné par ces logiques de suprématie blanche. Au cours du dix-neuvième siècle et du début du vingtième siècle, l’identité raciale blanche transclasse a été un obstacle à la consolidation d’un mouvement des travailleurs plus puissant. La saisie coloniale des terres vers l’ouest offrait aux travailleurs blancs l’opportunité de la mobilité de classe et leur permettait de pouvoir échapperau travail salarié pour en devenir indépendant. L’identité blanche, même pour les prolétaires, était basée sur la possibilité de la propriété et l’identification aux propriétaires terriens les plus riches du pays.

Ces dynamiques racialisées du mouvement ouvrier américain conditionnèrent ainsi les formes familiales ouvrières. Pour les travailleurs blancs, la famille patriarcale rendue possible par le mouvement ouvrier était basée sur le statut social, la propriété et la respectabilité. Les travailleurs noirs, exclus de ces éléments caractéristiques du mouvement ouvrier, furent néanmoins sujets à un fort rétrécissement des normes familiales au cours de cette période. Pour les familles noires, les normes patriarcales, au lieu de s’imposer par la quête de respectabilité, furent imposées par les contraintes de location du métayage. Les métayers noirs étaient forcés de se marier. Les propriétaires blancs n’acceptaient de louer leurs propriétés qu’à des couples mariés. La Frontière Ouest de l’agriculture de coton s’élargissait, les lopins de terre étaient petits et la terre était accessible aux nouvelles familles noires à condition qu’elles soient prêtes à se marier, mais étaient refusés aux adultes noirs célibataires comme à celles et ceux qui avaient des organisations familiales non conventionnelles. Quand et là où les personnes noires étaient en mesure d’échapper au métayage, le taux de mariage chutait nettement [11]. En s’installant dans les villes en voie d’industrialisation, elles saisirent l’opportunité d’échapper à la norme familiale hétérosexuelle et basée sur le mariage. Les lois Jim Crow imposèrent non seulement la pauvreté, la terreur raciale, l’exclusion politique et la subordination légale, mais aussi une famille patriarcale particulièrement rigide. Le faible taux de mariage des personnes noires après les lois Jim Crow peut ainsi être dû non uniquement à la pauvreté, au manque de travail stable et à l’exclusion des gains du mouvement ouvrier, mais aussi à une résistance et à une tendance à fuir le régime familial du système de métayage.

Les familles de travailleurs blancs cessèrent progressivement pendant ce temps de dépendre surtout de fermes tenues par des propriétaires pour se consacrer de plus en plus au travail industriel salarié. Les fermes gérées par les familles dépendaient de couples durables. Les Américains blancs profitèrent tout au long du dix-neuvième siècle de l’expansion de la frontière grâce à la conquête et de nouveaux espaces coloniaux qui permettaient et encourageaient une formation familiale stable. Beaucoup de ces fermiers familiaux étaient attirés par le Parti socialiste et d’autres formes de populismes de gauche, mais ils étaient incapables de démêler leur conscience de classe d’une défense prononcée de la propriété, de la colonie de peuplement et de l’indépendance blanche. Les syndicats de la fin du dix-neuvième siècle, qui s’étaient enracinés dans les échanges commerciaux qualifiés, héritèrent largement du conservatisme de genre des capitalistes et des fermiers indépendants. Comme leurs homologues européens, ces travailleurs blancs qualifiés recherchaient activement – et, à la fin du dix-neuvième siècle, obtinrent largement – l’accès à un salaire familial assurant la structure familiale basée sur la femme au foyer.

En Europe, cette forme familiale en voie de développement entra en crise au cours des deux guerres mondiales. Ces mêmes guerres permirent à de nombreux Afro-Américains et à un grand nombre de femmes leur premier accès à des emplois non agricoles. Les industries militaires et les activités de guerre se distinguaient par la ségrégation de genre et toléraient légèrement l’homosexualité, de sorte que d’importantes communautés gays américaines clandestines y prirent forme pour la première fois [12]. Les Américains firent au cours de la Seconde Guerre mondiale l’expérience d’un ordre genré comparable à celui de la première société soviétique : l’organisation à travers la prolétarisation complète, l’éclatement de la famille, l’accroissement de l’espace pour l’homosexualité, les droits des femmes et un contrôle étatique massif. Les personnes nouvellement prolétarisées et pas encore intégrées à une identité ouvrière stable et hétéronormative connurent au cours des années de guerre un degré de liberté sexuelle inédit, intrinsèquement lié aux nouvelles tyrannies du travail salarié industriel et du contrôle étatique.

Cette stratification raciale du mouvement ouvrier continua tout au long du vingtième siècle. Lorsque le mouvement des travailleurs de l’industrie devint finalement plus fort dans les années 1930, il fut incapable de s’ancrer dans les états du Sud-est et du Sud-ouest sous des régimes particulièrement brutaux de violence blanche suprémaciste qui constituent encore aujourd’hui des états de « droit au travail » sans protection légale pour les luttes syndicales. Lorsque les Afro-Américains quittaient les fermes pour devenir des travailleurs salariés à partir de la Première Guerre mondiale, ils trouvaient un accueil inégal au sein du mouvement ouvrier américain. Les syndicats antiracistes cherchèrent à proposer une vision alternative de l’Amérique d’après-guerre en construisant dans les banlieues des logements inclusifs au niveau racial autour des usines syndiquées. Mais les travailleurs américains blancs n’étaient pas unis dans leur intérêt pour la solidarité interraciale ; beaucoup d’entre eux étaient prêts à défendre leurs intérêts par le nativisme, la xénophobie et le racisme autant que par la solidarité de classe.

ME O’Brien.
M E O’Brien est autrice et enseignante vivant à Brooklyn. Elle travaille régulièrement avec le Trans Oral History Project, et participe à la conception du journal queer-communiste Pinko.

La suite dans le prochain numéro de Trou Noir...

P.S.

Ce mois-ci renversé s’intéresse à la famille

Qu’on puisse la retrouver en cette fin d’année ou pas, qu’on en ait encore une ou non, qu’on l’aime ou qu’on la déteste – voir les deux à la fois – nos familles, leur histoire et leur héritage, nous construisent, bien souvent malgré nous. Certain.e.s passeront leur vie à tenter de déjouer la trajectoire familiale, d’autres la poursuivront confortablement, peu d’entre nous y échapperont vraiment.

Et si, individuellement, l’enjeu est si grand, s’il nous est aussi difficile de le contourner, politiquement ce n’est pas moins vrai. De Engels à bell hooks en passant par les théoriciens décoloniaux, les anarchistes et anti-autoritaires de tout poil, probablement toutes les féministes de l’histoire, la famille a été décortiquée sous tous les angles et de toutes les manières par celles et ceux qui entendent penser l’émancipation.

Ainsi, aborder le thème de la famille à travers un prisme militant est complexe et forcément incomplet. Le défi commence déjà quand il s’agit de la définir : Rapport social, lieu de reproduction, des humains comme de la culture, espace de nos premiers liens affectifs, rempart ou cauchemar ?

C’est pourquoi nous ne restituerons pas ici, ni la richesse des débats qui entourent “la famille”, ni les divers points de vue élaborés au long de siècles de production théorique sur le sujet qui nous précèdent déjà. Nous nous contenterons de collecter des textes pour nourrir la réflexion et, dans le meilleur des cas, mettre en lumière certains points de rupture.

Comprendre la famille théoriquement est une chose, l’appréhender émotionnellement en est une autre. On s’excuse d’avance si ces textes maltraitent les idées ou déboussolent les coeurs.

Et comme toujours, vous êtes bien entendu invité.es à participer au thème du mois en nous proposant vos articles préférés !

#1 Abolir la famille - Acte I
#2 Abolir la famille en 6 étapes
#3 Le petit Jésus : première GPA de l’histoire ?
#4 Guide de survie aux fêtes de famille
#5 La famille : une question politique à investir
#6 Le genre du capital
#7 Être adopté·e est une identité à part entière
#8 Abolir la famille - Acte II
#9 La première fois que j’ai parlé

Notes

[1A lire également l’interview de John d’Emilio, Le capitalisme a rendu l’identité gay possible. Maintenant, nous devons détruire le capitalisme, paru dans le numéro #8 de Trou Noir.

[2Notre analyse du mouvement ouvrier est dans l’ensemble la même que celle de la critique développée dans « A History of Separation »,Endnotes4 (2015).

[3Notre analyse de la consolidation de cette forme familiale s’inscrit dans celle de Seccombe dans Weathering the storm. Voir également le débat sur le « salaire familial » dans la littérature marxiste-féministe : Heidi Hartmann, « The unhappy marriage of Marxism and Feminism », in Women and revolution, Black Rose, 1981 ; Michèle Barrett, Women’s oppression today : the marxist/feminist encounter, Verso, 1980 ; Johanna Brenner et Maria Ramas, « Rethinking women’s oppression »,New left review 1 (1984) ; Martha May, The historical problem of the family wage in Feminist studies, 8/2 (1982). Au sujet des statistiques sur la participation des femmes au marché du travail, voir Goldin, Understanding the gender gap.

[4Je laisse pour l’instant de côté la question du rôle joué par les capacités de gestion des femmes cis dans la consolidation de cette division genrée du travail, point important de la réflexion de Brenner et de Ramas que je suis de près pour le reste ici.

[5Cité dans Communist Research Cluster, European Socialism and Communism, Communist Interventions, vol. 1 (ensuite abrégé en CRC 1), 24-25.

[6Rosa Luxembourg, « Women’s suffrage and the class struggle », 1912, CRC 3, p. 57.

[7Clara Zetkin,ibid., p. 51.

[8Alexandra Kollontai,CRC 1, p. 212.

[9Alexandra Kollontai, CRC 3, p. 96.

[10Alexandra Kollontai,ibid., p.97.

[11Dans les parties du sud qui basculèrent d’un coup vers le travail agricole salarié à cause de l’épidémie de charançon du cotonnier, le taux de mariage des personnes noires chuta tout aussi drastiquement. Bloom, Feigenbaum, Muller, « Tenancy, marriage and the boll weevil infestation, 1892-1930 », Demography, vol. 54, n.3, 2017.

[12Allan Bérubé, Coming out under fire : the history of gay men and women in World War II, Free Press, 2000.

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