Féminismes - Luttes Queer Thème du mois

Le petit Jésus : première GPA de l’histoire ?

Ce matin les manchettes de la Tribune de Genève ont été remplacées avantageusement. Alors que le parlement approuve le projet du mariage pour tou.x.tes, et l’accès au don du sperme pour les couples lesbiens, la question de la gestation pour autrui (GPA)* fait toujours débat, même dans les milieux les plus progressistes.

Genève |

Pouvoir concrétiser le désir d’enfant est un droit trop souvent réservé aux personnes hétérosexuelles et fertiles. Tout comme le droit d’aimer qui on veut, d’ailleurs.

Qui a dit “aimez-vous les uns les autres” ?

Cela fait trop de temps que l’on attend d’obtenir une égalité dans ces droits. Evidemment, pour la concrétiser, il est obligatoire d’ouvrir le débat sur la procréation médicalement assistée (PMA) [1] et en particulier sur gestation pour autrui (GPA) [2]

Qui a dit “croissez, multipliez et remplissez la terre” ?

De plus, ne pas légiférer induit un manque de protection des mères porteuses et des soucis de filiation pour l’enfant. Mais alors, pourquoi la GPA fait-elle monter au créneau ?

La PMA c’est pas naturel ?

Non en effet, rien ne permettait il y a plusieurs milliers d’années d’imaginer qu’un jour l’être humain serait capable de tels développements techniques. Ni de porter des vêtements en plastique produits à la chaîne, de prolonger la vie avec des machines, de fabriquer des bombes, d’avoir des échanges commerciaux mondiaux et informatisés. Pourtant les détracteurs de la PMA ne se promènent pas nus dans la rue. Au nombre de ceux ci, on compte l’Union démocratique féderale, un parti évangéliste, qui ne s’est pas gêné de soutenir le trafic d’armes et les multinationales lors des dernières votations.

“Faites ce que je dis, pas ce que je fais” n’est pourtant pas un des 10 commandements.

Un papa, une maman, c’est le mieux pour un enfant ?

Gnagnagna. Au risque de nous répéter, il nous semble que rien ne prouve qu’un couple hétérosexuel soit la garantie d’un environnement stable et sécurisant pour les enfants. Il suffit de consulter les statistiques au sujet des violences domestiques et de la maltraitance sur mineurs pour s’en convaincre. Alors à ce prix là, est-il vraiment nécéssaire pour l’éducation d’un enfant d’avoir un modèle “masculin” et un modèle “féminin” à la maison ?

La GPA, un travail prolétaire comme un autre.

Les réactionnaires de tous bords, même de gauche, avancent toujours l’argument de la marchandisation des corps contre la GPA. Il s’agit en substance du même argument utilisé contre le travail du sexe. Les femmes, les personnes trans et non-binaires seraient de simples victimes du patriarcat, sans libre arbitre, poussées à s’objectifier pour des raisons économiques. Il faudrait donc les protéger en légiférant et décider à leur place de ce qui est bon pour elleux et de ce qui est moral ou non.
On sait pourtant qu’interdire n’arrête ni le travail du sexe, ni la GPA, ni l’avortement par exemple. Au contraire, l’illégalité pousse celleux qui en ont besoin à le faire quand même mais dans des conditions dangereuses. Cela laisse place à l’isolement, aux abus et à un risque accru pour la santé. Cela restreint les possibilités économiques mais surtout celle de disposer de son propre corps et de s’émanciper par celui-ci, en particulier pour les femmes, les personnes trans et non-binaires.
Par ailleurs, il est intéressant de relever que dans ce débat, il n’est jamais question d’écouter et de comprendre ce qu’en pensent les premier.e.x.s concerné.e.x.s.

Or la GPA, comme le travail du sexe, est avant tout un travail. Il est absurde de parler de “vendre son corps”, ce qui est échangé ici est un service.
Les corps des travailleur.euse.x.s n’appartiennent qu’à elleux. Si un service est obtenu de manière non consentie, il s’agit d’un abus. Comme dans tout corps de métier, il est nécessaire d’être à l’écoute des travailleur.eus.x.es et de prendre en considération leurs besoins plutôt que de les stigmatiser, afin d’éviter ces abus.

A ce titre, il est intéressant de relever que ces services paraissent normaux lorsqu’ils sont rendus de manière gratuite au sein d’un couple et deviennent une inconcevable objectification des corps lorsqu’il s’agit de les rémunérer.
Pourtant, le mariage a longtemps été synonyme d’arrangements économiques et de sécurité familiale plus que d’amour. Le principe étant : une épouse se voit offrir une contrepartie financière (le gîte, le couvert et un peu d’argent de poche) en échange de la gestion du foyer, de sexe, de la mise au monde et de l’éducation des enfants.
Que des personnes fassent ce travail gratuitement, sous couvert d’amoooour et de sécurité (toute relative), est donc acceptable mais le faire payer relèverait soudain de l’exploitation et de l’objectification des corps ?

Une approche féministe ne serait-elle pas de considérer comme révolutionnaire et libératrice la désacralisation de la maternité tout en visibilisant et valorisant la procréation comme un travail ? Si celui ci est rémunéré il peut, de plus, devenir un outil d’émancipation.

En quoi ça vous regarde ?

Il semble important de rappeler également que ces débouchés économiques n’existeraient pas si il n’y avait pas de demande. La demande vient de couples hétérosexuels, homosexuels ou de personnes célibataires tous genres confondus.
Si ces personnes désirent un enfant et si quelqu’un.e.x a l’envie et la possibilité de leur permettre de concrétiser ce désir, moyennant ou non rémunération, où est le problème ?
Recourir à la GPA est bien plus compliqué à mettre en place qu’une simple fécondation lors d’une copulation cis-hétéro-fertile. C’est donc forcément une décision longuement réfléchie et un enfant désiré qui naîtra. Ce qui est loin d’être la norme.

La PMA dans l’histoire chrétienne.

Depuis 2020 ans, l’église relève des cas avérés de PMA, bien que des zones d’ombres subsistent :

  • Conception de Marie l’immaculée : fecondation in vitro ou aide à la procréation ?
  • Conception de Jésus : fécondation in vitro ou gestation pour autrui ?
  • Marie aurait-elle été mère porteuse ?
  • Dieu et Joseph : un couple gay ?
  • Joseph était-elle une femme ?

On note dans les milieux proches du christianisme un manque évident de cohérence à ce sujet, puisque de nos jours, de telles pratiques leur semble impossible à concevoir.

Le manque de cohérence s’étend malheureusement au delà du monde chrétien puisque les techniques de procréation médicalement assistée restent controversées malgré la logique qu’il y a à les légaliser.
Nous continuerons à nous battre et nous n’attendrons pas la permission des cathos, des fachos et des réacs pour faire ce qui nous plaît de nos corps !

Détruisons le patriarcat cis hétéro blanc et capitaliste !

P.S.

Ce mois-ci Renversé s’intéresse à la famille

Cet article a été intégré au thème du mois sur proposition des auteurices. Vous êtes bien entendu invité.es à participer au thème du mois en nous proposant vos articles préférés !

#1 Abolir la famille - Acte I
#2 Abolir la famille en 6 étapes
#3 Le petit Jésus : première GPA de l’histoire ?
#4 Guide de survie aux fêtes de famille
#5 La famille : une question politique à investir
#6 Le genre du capital
#7 Être adopté·e est une identité à part entière
#8 Abolir la famille - Acte II
#9 La première fois que j’ai parlé

Notes

[1La procréation médicalement assistée (PMA) regroupe l’ensemble des procédés médicaux qui ont pour but d’aider les personnes ne pouvant concevoir sans assistance (couples non fertiles, parent seul, couples lgbtiq+) à avoir un enfant.

[2La gestation pour autrui (GPA) est une technique de procréation par laquelle une personne (dite “mère porteuse”) porte un enfant pour une autre personne/couple. Celui-ci,conçu par fécondation in vitro à partir des gamètes (ovocyte et sperme) des parents ou de dons, se développe dans son utérus. Cette technique est particulièrement utile pour les couples dont aucun des membres ne dispose d’organe reproducteur féminin fertile.

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